On sait combien le court-métrage est, affaire d’amitié, de travail en bande et de rêves de copains. Charles Castella a choisi de mettre en scène littéralement cette dimension en faisant de ses proches le sujet même de son film. Sept d’entre eux, choisis par le hasard de leur seule présence dans un Paris estival vidé de ses habitants, se confient en voix off à la caméra amie qui les cadre, muets dans une situation quotidienne. Le cinéaste le précise bien : « Mon histoire, c’est eux ». Et c’est une carte de l’intime qu’il dessine sous nos yeux.

Les aveux, simples et sincères, peuvent relever de soucis dérisoires, ce qu’ils ne sont nullement. Ils traduisent simplement des repères propres à chacun, des signes étrangers aux autres et pourtant universels, des propositions d’explication du Monde par « le petit bout de la lorgnette » que le cinéma n’inclut que rarement. La satisfaction du geste bien fait (plier parfaitement une chemise au premier essai pour gagner du temps, trouver dans une fête la partenaire de danse idéale), la culture quasi maladive de l’aspect (chercher la tenue qui captera le regard masculin, passer des heures à se maquiller), l’hésitation devant les plus courants choix imposés par la vie (emménager avec quelqu’un, s’adapter aux habitudes de l’autre) modèlent à petites touches un processus de fuite dans l’imaginaire comme solution au vain désir de gratification qui mène l’être humain, La fuite du monde où « l’on risque peu d’être poursuivi », où l’on peut « se tailler un vaste espace gratifiant que certains diront narcissiques ».*

 

Ainsi cet homme, qui trouve dans la maîtrise de la danse la matérialisation d’une prise de risques, l’abolition des distances et l’accélération du temps. Et cette jeune femme qui s’enivre pour se sentir, enfin belle et séduire. Et ce jeune père, qui s’attache à vaincre tous les doutes que l’engagement et la paternité induisent. Et cet exilé, qui veut faire du cinéma pour retrouver les repères d’authenticité du temps de son enfance pauvre en Mauritanie. Et cette femme désabusée, qui cherche comme un refuge, jusqu’à la maniaquerie, le beau dans le quotidien. Ou cette autre, qui a conscience assumée de sa féminité depuis qu’elle a posé comme modèle nu, à l’adolescence. Ces tranches de vie ont ceci d’absolu que tout y apparaît au fond comme une tentative de fuite à l’égard du temps et de la mort. C’est en ce sens que cette touchante Petite météorologie saisie apparemment en toute insouciance est plus consistante qu’elle n’y paraît. La philosophie de ce film est un excellent remède à la grossièreté de la conception télévisuelle de témoignage sur le réel.

 Christophe Chauville      Bref 1997

*Henri Laborit, Eloge de la fuite, Gallimard